Les effectifs de police municipale sont passés de 1 dans les années 1990 à 3 dans les années 2010 puis 4 en 2020. De plus, la commune s'est dotée de caméra vidéo et de radars, et ces agents ont été armés. Et ce avec une dotation importante en matériel, car les montants ont atteint fréquemment 5 chiffres devant la virgule. Nous sommes alors en droit de nous interroger si Saint-Denis-en-Val est devenu un haut lieu de la criminalité, et quel est l'impact de tels moyens. Dans cet article, j'essaierais d'être loin du cliché de prophéties auto-réalisatrices, du style "ah ben, si on n'avait pas eu ça, ça aurait été pire" pour ne m'en tenir qu'aux chiffres et à la comparaison de situations d'autres communes similaires afin d'essayer de démystifier la tentation du tout sécuritaire.

Quelles sont les prérogatives de la police municipale ? Ces dernières ont évolué récemment (loi promulguée le 25 mai 2021), et englobent à la fois des missions de police administrative et judiciaire :

  • la prévention de troubles à l'ordre public ;
  • la sécurité des personnes et des biens dans l'espace public ;
  • la prévention des vols et dégradations ;
  • la veille à la tranquilité publique ;
  • le maintien de la salubrité publique ;
  • l’envoi des secours lors d’accidents ;
  • le respect des arrêtés de police du maire ;
  • la verbalisation des contraventions sur les missions précédentes (livre VI du Code pénal) ;
  • ...

On peut alors citer les moyens légaux à la dispostion des policiers municipaux, entre autres :

  • les rondes de surveillance ;
  • le visionnage des caméras ;
  • les arrestations pour ivresse publique et manifeste ;
  • l'immobilisation des véhicules ;
  • l'armement (non obligatoire, sur décision du maire uniquement, ce qui est le cas dans notre commune) ;
  • ...

À noter qu'il ne leur est pas possible d'interpeller sauf dans le cadre d'un flagrant délit, notamment sur la voie publique. Au passage, cette loi de 2021 permet aussi la mutualisation des effectifs, et l'information du maire des infractions constatées, même si celles-ci sont classées sans suite (ie que la personne concernée est innocente aux yeux de la loi). Vous pourrez remarquer donc que le champ d'action de la police municipale est relativement bordée, et que nous sommes loin des clichés de série policière, y compris française.

Qu'en est-il des communes avoisinantes ? En 2020, voici un petit tableau issu de l'open-data gouvernemental :

CommuneEffectif policeHabitantsHabitants par policier
Combleux0514N/A
Darvoy01888N/A
Olivet8224742809
Orléans981140001163
Saint Cyr en Val234981749
Saint Denis en Val476941924
Saint Jean de Braye13210001615
Saint Jean le Blanc585001700
Sandillon141584158

On voit alors que Saint-Denis-en-Val se classe dans la moyenne des communes de même taille que Saint-Jean-le-Blanc qui peut être plus compliquée d'un point de vue ordre public, et pour autant, notre village compte plus d'effectifs par habitants qu'Olivet ou Sandillon, qui ont pourtant des tranquilités similaires à la nôtre.

Quels crimes, délits & contraventions se produisent alors sur notre territoire et qui nécessite autant d'attention que Saint-Jean-le-Blanc ?

Évolution des crimes et délits dans le Loiret entre 2012 et 2019

Déjà le nombre de problèmes n'a pas augmenté, voire il a globalement diminué et leur nature a changé, notamment durant la pandémie. Dans le Loiret, et plus généralement en France, ce sont les escroqueries qui décrochent la triste palme de la hausse. Ensuite, ce sont les crimes et violences sexuels qui sont en forte hausse, la plupart du temps au domicile familial. C'était déjà certainement le cas avant, mais la libération de la parole des femmes aura permis de commencer à comprendre l'ampleur du souci, et donc la certaine sous-évaluation des chiffres. Les différents confinements n'ont probablement pas aidé non plus. Mais, conséquence logique s'il en est de ces mêmes confinements, les vols sont stables voire reculent dans certains départements au fur et à mesure des années. De toutes façons, dans ces différents cas, il s'agit de problèmes d'insécurité qui échappent à la compétence de la police municipale, qui n'a concrètement qu'un champ d'action plus ou moins limité à la sphère publique, et avec flagrant-délits.

Quant à savoir si notre police est en phase avec ces problèmes, c'est là où le bas blesse : les seuls faits divers possiblement du ressort de la police municipale qui sont venus entâcher la tranquilité de notre commune sont des violences routières. J'en veux pour preuve la tragédie qui s'est déroulée au mois d'août 2021 où deux jeunes adultes en vélo ont été renversés rue de Champoux par un chauffard, apparemment en état d'ébriété, et qui a pris la fuite. Certains diront "heureusement qu'il y avait les caméras, ça aura permis de retrouver le coupable", mais les caméras ne réssucitent pas les gens. La présence de caméra n'a pas non plus empêché le drame. D'aucuns pourraient aussi se dire que c'est un cas isolé, mais une mort, c'est déjà de trop, surtout rapporté à l'effectif de notre commune. Par ailleurs, ce n'est pas le seul cas d'alcoolémie au volant qui entraîne des conséquences funestes : un autre jeune, après une soirée arrosée au Factory, a repris le volant en février 2020 et s'est tué route de Sandillon. Là encore, certains essaieront de se défausser en rejettant la faute sur le propriétaire de l'établissement, mais il aurait suffit dans les deux cas d'assurer une veillée / une ronde de la part des policiers municipaux les nuits du samedi au dimanche, du moins le temps que le message passe auprès des administrés. Car il ne faut pas se tromper, les missions de la police municipale sont éminemment préventives, et, bien qu'elles ne se voient pas directement, elles sont essentielles. Toutefois, pour qu'elles soient dépêchées sur telle ou telle opération locale, aussi faudrait-il que nos forces de l'ordre soient mandatées explicitement par le maire, dont c'est le rôle exclusif de coordination (le conseil municipal n'a aucun droit quel qu'il soit sur la police municipale sauf à faire une délégation explicite).

À la place, nous avons juste des réactions et de la présence lors d'événements ou de sorties de classe, armes à la ceinture, comme si notre commune était dans une zone sensible, renforçant le sentiment d'insécurité qui n'a pas lieu d'être. Du moins, pas sur les thématiques que tout le monde peut entendre à la télévision, dont le fonds de commerce est de jouer sur les peurs de tout un chacun. Alors que le problème principal d'une campagne comme la nôtre reste, et c'est triste à dire, le rapport excessif de certains à l'alcool, que ce soit en public ou en privé. Et qu'il suffirait aussi d'organiser des campagnes de sensibilisation, qu'il serait possible d'imaginer à une échelle locale.

Personnellement, j'aimerais pouvoir assimiler notre police municipale aux "bobbies" anglais, lesquels partagent une vraie relation de bienveillance avec la population, mais force est de constater que, bien malgré eux, nos policiers ne sont pas utilisés là où ils auraient une vraie action de prévention.

Quelques liens pour approfondir :