Quand on aime, on ne compte pas : l'affaire du pylône en cachait trois autres au moins. Au conseil municipal du 26 janvier 2021, pendant le couvre-feu, la population ne pouvait pas directement mesurer les proportions beaucoup plus impactantes qu'initialement prévues dans la vie de notre quotidien.

Résumé des épisodes précédents ("Dallas, ton univers impitoyable")

Pour celles et ceux qui n'auraient pas suivi le feuilleton, est apparu un affichage réglementaire relatif à la construction d'un pylône de téléphonie, ceci au mois d'août 2020. Cela a été évoqué au conseil municipal suivant et par voie de presse ainsi que sur cette page.

Lors de ce même conseil, l'élu en charge de l'urbanisme a confirmé qu'une déclaration préalable de travaux avait été déposée le 18 juin, qu'il a signée un mois après (le 16 juillet 2020) sans passage en commission d'aucune sorte, ni en conseil municipal. Personnellement (mais ça n'engage que moi), je conçois difficilement que ce dossier ait été découvert le 18 juin même, sachant qu'une communication auprès de la population un mois avant cette date-ci aurait dû être organisée par la mairie.

Puis est arrivé un deuxième pylône, route de sandillon, au cours du conseil municipal du 15 décembre 2020 relaté également sur cette page.

Plus encore, après le dernier conseil, au moins 2 pylônes supplémentaires seraient prévus en sus des 2 déjà annoncés pour la couverture de l'opérateur Bouygues Telecom. Avec peut-être une autre demande de la part de SFR...

Quelques explications sur la technologie

Les téléphones mobiles communiquent via des protocoles 2G,3G, 4G, 5G, le G étant pour "génération". Ces protocoles sont développés pour faire face à la demande grandissante en terme de données : il y a 20 ans, les réseaux mobiles transportaient essentiellement de la voix et du SMS, puis petit à petit des données, et des flux audio / vidéos. À l'heure actuelle, les prochaines générations sont là pour absorber l'explosion de la communication M2M (Machine to Machine, ie l'internet des objects connectés).

La communication se fait via ondes électromagnétiques (comme de la lumière, mais dans un spectre invisible). Les différents opérateurs se partagent des gammes fréquentielles (vendues aux enchères par l'ARCEP). Il faut donc un téléphone et une antenne, laquelle retransmettra les informations via un réseau câblé (le plus souvent fibre optique). Les téléphones et les antennes communiquent en faisant varier les informations dans la gamme fréquentielle réservée à l'opérateur (modulation de fréquence). On comprend alors aisément que pour tranporter plus d'informations, il faut des fréquences et une bande passante plus élevées. Le problème est que plus on augmente la fréquence, plus l'onde est porteuse d'énergie, ce qui signifie qu'il faut des équipements toujours plus puissants. Et les ondes de hautes fréquences ont tendance à porter moins loin. Ceci a donc été pallié en multipliant les antennes, et en faisant des "cellules" (la zone de portée d'une antenne) toujours plus petites et nombreuses.

Une antenne 4G en zone rurale (c'est ce qu'est notre commune de 7500 âmes) à l'heure actuelle couvre entre 10 et 30 km de rayon. Bien entendu toute construction trop importante pourra faire écran à ces ondes électromagnétiques qui, rappelons-le, se comportent comme de la lumière et donc peuvent être réfléchies, diffractées, réfactées ou absorbées à travers les différents matériaux de construction. Ce qui peut expliquer pourquoi il peut être nécessaire d'avoir plus d'une seule antenne dans des milieux très urbanisés. Pour ce qui est de la 5G, la portée est bien plus réduite, de l'ordre de quelques centaines de mètres tout au plus dans les gammes de fréquences les plus élevées.

La situation à Saint-Denis-en-Val

Tous les dionysiens peuvent le constater par eux mêmes, les débits 4G dans la commune sont loin d'être catastrophiques. J'atteins pour ma part 100 Mbit/s en download & 30 Mbit/s en intérieur alors que je suis à 600 mètres à vol d'oiseau avec des obstacles entre le château d'eau, et en faisant différentes mesures dans la commune, la réception 4G est satisfaite même pour regarder une vidéo en HD (autour de 5 Mbit/s). J'ai fait le déplacement moi-même pour le constater, et mis à part au niveau du château de l'Isle, au nord du quartier Melleray, la réception tient la route pour ces usages. Donc, s'il devait y avoir antenne(s) supplémentaire(s) pour des problèmes de réceptions, ce devrait être sur l'Est de la commune, ce qui n'est pas le cas, au vu des emplacements envisagés. La multiplication des antennes, sous couvert d'être uniquement pour de la 4G, correspondrait effectivement à une anticipation des implantions nécessaires pour la 5G. J'invite d'ailleurs les dionysiens qui ont Bouygues Télécom et SFR comme opérateurs (ce sont eux qui souhaitent construire des pylônes) à partager via le formulaire de contact leur retour sur des possibles baisses de débit ou autre défaut de couverture qui seraient à l'origine de l'implantation des dits pylônes.

Ce qu'il faut savoir, c'est que dans une commune inondable, l'implantation de tels pylônes doit être justifiée par ces défauts de couverture et pas simplement une phrase bâteau dans un document quelconque mais bien par des chiffres garants de la bonne foi de l'opérateur. Cette mesure est là pour éviter un problème que tout le monde peut aisément comprendre : le sol de Saint-Denis-en-Val est un véritable gruyère, raviné par les circulations d'eau souterraines, comme en témoignent les nombreuses dolines (la mare à Billard, les 3 chênes, etc.) ; il convient alors de bien réfléchir d'un point de vue géologique sur l'emplacement, comme pour toute construction.

Quels sont les enjeux de la 5G ?

D'un point de vue économique tout d'abord, comme évoqué plus haut, c'est la promesse de débits très largement supérieurs, qui sont là pour absorber les usages émergents, notamment liés à l'internet des objets. Cela va des robots logistiques, comme par exemple dans le port de Shanghaï, aux censeurs pour remonter l'état des cultures, en passant par tous les usages imaginables, qu'ils soient utopiques ou dystopiques (il n'y a qu'à regarder ce qu'en a fait la Chine... mais c'est un autre débat). Ce monde automatisé représente une amélioration non négligeable des coûts, permettant par la même une favorisation des circuits locaux. Cela pourrait donc avoir un impact direct sur l'économie de notre commune.

Ensuite, d'un point de vue technologique, la 5G est une des première normes mobiles à l'intiative des acteurs chinois de l'électronique. Il y a également des constructeurs américains et européens, mais tout ceci soulève la question de la sécurité : il est arrivé par le passé que des Etats (et pas qu'un seul) introduisent des portes dérobés dans les logiciels & matériels de leurs acteurs nationaux. Les dernières décisions par l'Etat français dans ce domaine tendent à priviliégier des acteurs européens. À l'échelle de Saint-Denis-en-Val, celà peut sembler assez éloigné, mais le choix de tel ou tel équipementier peut impacter la vie privée des gens au quotidien.

Le point de vue sanitaire et écologique

Tout d'abord, cet article n'est pas là pour faire du "debunk" sur tout ce qui peut se raconter sur la 5G, je vous invite à exercer votre esprit critique sur les informations disponibles. Il faut cependant rappeler que toutes les études menées jusqu'à ce jour ont conclu quant à l'innocuïté des antennes de téléphonie sur la santé. De plus, l'électroception et la magnétoception (la perception des champs électriques et magnétiques) sont des sens étrangers au genre humain, contrairement aux requins, tortues, ou oiseaux) et nous sommes bien incapables de percevoir (sauf à s'aider d'outils) le monde d'ondes qui nous entoure et dans lequel nous baignons depuis des décennies.

Les ondes électromagnétiques n'ont pas le même impact suivant la longueur d'onde considérée : elles peuvent être absorbées (plus ou moins profondément comme les UV), reflétées (dans le spectre visible, si la peau apparait beige-rosé, c'est parce qu'une grande quantité de lumière ne pénètre pas), ou même passer à travers notre corps (comme le cas des rayons X). On pourra prendre l'exemple de la gamme des micro-ondes dans les fours du même nom qui provoque l'agitation thermique des molécules d'eau. Étant donné que nous sommes constitué de 65% d'eau (varie selon l'âge et le sexe), on comprendra aisément l'impact que ce type d'ondes peut avoir sur le corps humain. Mais encore une fois, il s'agit d'un exemple particulier dont on ne saurait faire une généralité, car d'autres longueurs d'ondes ont prouvé leur inocuité (et pour cause, nous baignons dedans depuis des dizaines d'années). À ce jour, les gammes fréquentielles utilisées pour la téléphonie mobile ne présentent pas de caractère particulier vis-à-vis du corps humain. Et les gammes de fréquences considérées sur la 5G nécessitent des antennes plus rapprochées car... elles sont arrêtées beaucoup plus facilement par des épaisseurs de matière moindre (que ce soient des murs, des tissus vivants ou même de l'air).

Outre la longueur d'onde, il faut considérer les puissances d'émission et de réception des téléphones, ie ce que l'organisme des personnes va recevoir : en effet, intuitivement, une puissance faible ne pénétrera que peu dans l'organisme, alors qu'une puissance élevée pourra s'enfoncer plus profondément, si tant est qu'elle soit dans les bonnes longueurs d'ondes. De ce point de vue, un tort est de considérer la puissance d'émission de l'antenne : celle-ci va rayonner dans toutes les directions pour la 2G/3G/4G et dans une direction donnée ponctuellement au besoin pour la 5G (technologie dite de "beam forming"), et diminuer en fonction du carré de la distance. Donc, par exemple, en se situant à 50m de l'antenne, la puissance reçue est 1/2500 fois moindre qu'à 1m. De plus, le corps humain n'intersecte pas la totalité de la puissance rayonnée mais uniquement la fraction qui correpond à la surface qui intersecte le flux. Alors, effectivement, les antennes 5G émettent plus de puissance en utilisation (environ x2 par rapport ce que consomme une antenne 2G + 3G + 4G), mais ce qui est intéressant, c'est encore une fois ce que le corps reçoit : le terminal mobile est donc à surveiller beaucoup plus que l'antenne en elle-même. C'est là qu'entre en jeu le fameux Débit d'Absorbption Spécifique (ou DAS pour les intimes). Des organismes gouvernementaux comme l'ANFR sont chargés de leur évaluation afin que le rayonnement que vous vous prenez lorsque vous téléphonez soit minimal. Et si jamais vous avez des doutes, préférez le micro-casque filaire plutôt que de coller votre combiné directement contre votre tempe ;-).

Par ailleurs, il faut également considérer le temps d'exposition, et c'est là où la 5G est intéressante. En effet, cette technologie est intéressante car elle coupe littéralement l'émission automatiquement quand il n'y a pas de besoin de bande passante, et n'allume que les segments directionnels qui sont sollicités, ie quand les usagers ont besoin de débits, ce qui fait que l'exposition est bien moindre et qu'on ne prend pas de rayonnement superflu.

Un autre aspect à prendre en compte est l'impact environnemental. En effet, même si l'antenne s'allume et s'éteint, et fait des faisceaux beaucoup plus petits, ce qui à l'usage permet une consommation moindre à usage équivalent, il faut compter l'impact de construction des équipements et des antennes, ainsi que l'augmentation de l'usage, qui se traduiront par activité industrielle et donc une production de CO². Pour l'augmentation de l'usage, notre société est structurellement ancrée dans la croissance, il ne faut pas escompter une diminution des usages, et il faut percevoir le passage de génération de téléphonie mobile comme une forme d'investissement : sans pour autant diminuer la facture énergétique, la 5G représente une énergie mieux dépensée.

Enfin, même si l'impact sur l'homme ne semble pas significatif, le règne du vivant ne se limite par à nous seuls, et il est possible que des espèces plus petites (comme les fourmis), ou plus sensibles encore, soient perturbées par notre activité électromagnétique, et des études sont encore en cours.

De fait, conclure à l'impact 0 ou à un rejet de ces technologies est très cavalier. Toutefois, même si en l'état il n'y a pas d'alarme à tirer, cela n'empêche tout un chacun d'être vigilant.

L'impact réel

Mais alors pourquoi monter au créneau si, globalement, c'est dans l'intérêt commun ? Tout simplement, parce que beaucoup de dionysiens vont être lésés directement au porte monnaie. En effet, lorsque vous achetez une maison et que vous avez le choix entre une maison avec un pylône à côté et une maison sans, le choix est vite vu. Ceci serait alors une moins value sur toutes les maisons qui jouxtent les pylônes, qu'ils soient de radiocommunication ou même tout simplement électriques.

Et quand bien même ces pylônes sont inoffensifs, ils n'en restent pas moins laids. Personne ne souhaitent voir un ciel zebré d'antennes et de fils depuis sa terrasse. Pour une commune qui axe son développement sur la qualité de vie et son aspect "bien sous tous rapports", ça dénote très fortement.

Ceci est d'autant plus rageant pour les voisins des pylônes que la commune n'est pas accessible : le prix du terrain au mêtre carré habitable est un des plus hauts de l'agglomération et l'achat d'un bien immobilier sur Saint-Denis-en-Val représente un investissement plus lourd qu'ailleurs. Aussi, quand un opérateur et des intérêts privés viennent décider pour vous, et font mécaniquement baisser le prix d'un bien pour lequel vous avez sué sang et eau, c'est un ressenti d'injustice que tout le monde est à même de comprendre.

Quelles solutions ?

À partir de ce constat, il est possible de prendre plusieurs mesures.

Tout d'abord, il faut absolument établir un dialogue avec les opérateurs, pour les orienter sur des solutions qui pourraient concilier le cadre de vie, les intérêts des administrés, et le déploiement des technologies de téléphonie mobile.

Ensuite, il faut proposer ce que la technologie offre déjà. En effet, il est possible, à l'instar des "femtocells" que certains peuvent avoir chez eux sur leur boîtier internet, d'équiper le mobilier urbain de micro-antennes. Ces dernières ont une portée beaucoup plus réduite, car ayant une puissance d'émission beaucoup plus faible (et c'est tant mieux), et se fondent dans le paysage.

Enfin, il faut absolument que toute décision soit concertée avec les riverains en amont de tout processus, plutôt que de les mettre devant le fait accompli par un affichage actant de la construction d'un pylône.

Pour appronfondir

Voici quelques liens qui on servit à la rédaction de cet article